Gros coup de cœur pour la série de David E. Kelley, quelques mots sur les deux premières saisons.
Charmante, romantique, hystérique, excessive et passionnée, Ally McBeal n’en reste pas moins une brillante avocate qui défend farouchement les intérêts du Cabinet Cage & Fish en suivant ses sentiments.
« The world is no longer a romantic place. Some of its people… still are however. And therein lies the promise. Don’t let the world win Ally McBeal. »

J’étais surpris d’entendre une véritable avocate dire dans le podcast de France Culture consacré aux séries américaines* que Ally McBeal était l’un des shows les plus réalistes jamais fait sur le monde du barreau. Forcément, ça a piqué mon intérêt, et au final, c’est l’une des plus belles découvertes que j’aurais fait cette année. La série de David E. Kelley est un petit bijou d’écriture, subvertissant le genre procédural (souvent statique et impersonnel) en faisant transparaître dans chaque procès les conflits intérieurs des avocats. Ally McBeal, incapable de dissocier sa vie privée de son travail, se questionne sur chaque affaire et utilisera toujours ses expériences personnelles pour soutenir ses défenses devant les jurés. L’écriture est ainsi faîte que nous sommes sans cesse mis au fait des tiraillements intimes qui agitent ces avocats, et cela à tel point dans le cas d’Ally que nous pourrons suivre le lent débordement de ce monde intérieur complexe sur le réel, compromettant son travail et ses relations. C’est un ressort comique particulièrement réussi, Ally ayant des hallucinations toujours plus absurdes (un bébé qui danse, Al Green qui chante dans sa chambre). Mais ces errances mentales qui participent à la fantaisie pétillante du personnage dans la saison 1 deviennent, dans la seconde saison, un véritable problème psychologique qui la plongera dans une dépression belle et bien réelle. Le réalisme de la série est aussi tangible pour le monde dépeint (avec pour la première fois les coulisses d’une firme d’avocats, avec son chef obsédé par l’argent) que pour le portrait sans concession qu’elle fait de la santé mentale de son personnage principal. Ally McBeal étale ses névroses sur tout et tout le monde, c’est un personnage qui n’est pas toujours sympathique, souvent égoïste, prompt à juger les autres, mais pour qui converge toujours notre empathie grâce à son inépuisable soif d’apprendre, d’évoluer, comme une plante changeant son ADN pour survivre à un climat difficile. Dans la seconde saison, Ally en vient donc à comprendre que son imaginaire lui sert de fuite, c’est une protection contre le monde réel. Elle chante avec Al Green dans sa chambre, seule, comme une folle, et si plus tôt dans la série on en aurait ri, on ne peut alors plus que pleurer devant cette femme obligée de se réfugier dans ses fantasmes pour survivre à sa douloureuse solitude. La série est éminemment féministe, disséquant consciencieusement dans de nombreux procès la question de la place des femmes dans un milieu dominé par les hommes ainsi que les différences entre les sexes et les inégalités qui en découlent. Mais le constat le plus juste que fait la série sur ce point, c’est la façon dont elle relie la dépression d’Ally à l’apprentissage de l’amour qu’elle a reçu étant enfant. Elle constitue en effet une victime du romantisme béât qu’on inculque aux jeunes filles comme seul et véritable expression de l’amour, un idéal impossible à retrouver une fois adulte. Son collègue, John Cage, aura ainsi ces mots très durs à son égard : « Le seul monde qui ne te décevra pas sera celui que tu inventeras ». Ally McBeal est une grande romantique, mais c’est finalement le personnage le plus solitaire de la série. Voyons voir dans les saisons suivantes si Ally à laissé le monde gagner.
* « Séries Télé – l’Amérique en 24 épisodes, Benoît Lagane et Eric Vérat »



Titre original : Ally McBeal
Genre : Série judiciaire
Création : David E. Kelley
Acteurs principaux :
Calista Flockhart
Greg Germann
Jane Krakowski
Peter MacNicol
Lisa Nicole Carson
Musique : Vonda Shepard, Danny Lux
Pays d’origine : États-Unis
Chaîne d’origine : FOX
Nb. de saisons : 5
Nb. d’épisodes : 112
Durée : 44 minutes
Diff. Originale : 8 septembre 1997 – 20 mai 2002