The.Best.Joke.Ever : Danny DeVito dans Philadelphia

La meilleure blague du monde. Et pourquoi il ne faut pas s’en vouloir de la trouver drôle si elle ne l’est pas vraiment.

Si vous vous intéressez à la comedy américaine, vous avez probablement vu la table ronde ci-dessous dans laquelle Seinfeld, Louis C.K., Ricky Gervais et Chris Rock échangent librement sur le métier de comique. Si ce n’est pas le cas, je vous conseille son visionnage d’urgence, c’est passionnant et mine de rien, chaque comedian révèle son processus, son approche de l’humour et du stand-up de façon personnelle, donnant un bon aperçu des différents moyens d’être drôle.

Dans ce Talking Funny, à 30.20min, Louis C.K. tient ces mots :

« Je ris aux choses les plus stupides. Il y a des années, j’ai vu un humoriste avec une guitare se ramasser dans un club miteux. Il chantait [il reprend l’air de « Sittin on the dock of the bay » de Otis Redding] : Sittin on a cock because I’m gay. Et encore aujourd’hui, je suis dans ma douche et je chante ce truc. C’est la chose la plus drôle que j’ai entendu de ma vie. »

Ce à quoi Ricky Gervais rit tout en avouant qu’il a ri ironiquement : « Tu ne ris pas parce que c’est une blague drôle et intelligente. Tu ris au contexte de ce mec qui, seul avec sa guitare dans un club miteux, chante ce truc. On rigole parce qu’on est des gens éduqués et intelligents et parce qu’on sait que tu ne devrais pas chanter Sittin on a cock because I’m gay. »

Mais Louis assure qu’il respecte vraiment cette blague, que ce n’est pas ironique : « Cette blague est restée avec moi depuis vingt-cinq ans. »

Le sujet de conversation se termine sur un fou rire après que Chris Rock ait demandé : « Did he do the whistle » ? Mais Seinfeld a ces mots très justes là-dessus, il dit : « Tu ne peux pas être celui qui décide pourquoi tu aimes quelque chose. Ça n’a pas d’importance. »

Et je pense qu’il a profondément raison. Il y a des blagues, des scènes comiques, qui nous font rire sans qu’on sache pourquoi. Elles font naître un rire soudain, incontrôlable. C’est le rire le moins intellectuel, celui dont a même un peu honte, celui qui tape dans la partie la plus régressive de notre cerveau et pourtant, à chaque fois qu’on y repense, on se met à sourire pour la millième fois.

Ma « Great bad joke » est tirée de l’excellente série diffusée sur FX : It’s always sunny in Philadelphia. C’est une sitcom qui fonctionne comme un pendant nihiliste à Friends, mettant en scène un groupe d’amis égoïstes, vils, se confondant dans les pires crimes et addictions. Danny DeVito (le Pingouin dans Batman Returns, mais aussi le grand cinéaste derrière La guerre des Roses et Mathilda), a rejoint la série après quelques saisons pour incarner un vieux vicieux qui perd un peu la tête et décide d’abandonner sa vie mondaine pour vivre (littéralement) dans le caniveau pour s’amuser avec les membres du groupe.

Dans cet épisode, DeVito n’a qu’un seul gag qui revient quatre fois tout au long de l’épisode. Il apparaît d’abord assis, sans ses chaussures. Charlie, son meilleur ami, l’insurge alors d’en enfiler parce qu’une responsable de la propreté doit venir dans leur bar pour faire un rapport. Pendant tout l’épisode, Charlie essaye de rendre le bar propre et accueillant (c’est difficile) et aucun des membres du groupe ne l’aide vraiment.

Danny DeVito répond qu’il va le faire, il va enfiler des chaussures et arrêter de faire n’importe quoi. Mais quelques minutes plus tard, il réapparaît avec un pinceau et de la peinture noire qu’il enduit sur ses pieds. Charlie lui demande ce qu’il fait : « Beh ça se voit pourtant, je met mes chaussures ! ».

Plus tard, DeVito réapparaît torse nu. Charlie lui gueule de nouveau dessus et lui dit d’enfiler quelque chose.

Dernière apparition: DeVito réapparaît avec son pinceau et sa peinture noire et…

Ce gag, ce putain de gag, m’a mis les larmes aux yeux la première fois que je l’ai vu. Il est nul de chez nul pourtant. Mais l’absurdité de la chose, la façon dont DeVito répète avec sérieux qu’il « s’habille » me fait rire à chaque fois que j’y pense. Comme dit Seinfeld, ce n’est pas à moi de décider pourquoi ça me fait autant rire. Et ça n’a pas d’importance.

C’est tout simplement la chose la plus drôle que j’ai vu de ma vie.

Loris Hantzis.